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Départementales : Manuel Valls nous abandonne

Au soir du deuxième tour de ces élections départementales où la gauche subit une lourde défaite, Manuel Valls a livré un discours de 5 minutes. Le voici.


Pour commencer, le premier ministre nous dit « Ce soir » avec une voix brisée. Son corps est penché vers nous. « Ce soir la droite républicaine remporte les élections départementales ». On se dit alors qu’il va se passer quelque chose, notre attention est éveillée : la voix, le corps et les mots nous accrochent. Et puis tout s’écroule dès les secondes suivantes.
Le premier ministre lit son discours. Pendant ces quelques minutes, nous avons le sentiment que Manuel Valls prend de la distance avec nous, voire nous abandonne. Trois éléments viennent soutenir cette impression :

La distance physique

Manuel Valls adopte une mine de circonstance : visage fermé et sourcils froncés. Il y a plus de trois ans, je m’étais livré à une analyse des candidats à la primaire PS pour les présidentielles de 2012. J’avais alors relevé que Manuel Valls était tendu et droit comme un i. Ceci est de nouveau vérifié dans ce discours. Cette allure quasiment militaire le rend froid et distant.
Ce qui frappe également, c’est le regard qui n’est dirigé vers rien et surtout pas vers la caméra (donc nous) et qui cherche trop souvent sa feuille. C’est le deuxième élément qui marque la non implication du premier ministre dans ce discours.
La troisième chose, c’est la quasi absence de gestes, à part un rare mouvement mécanique du bras droit. Pour beaucoup d’entre nous, le pupitre empêche le corps d’accompagner le discours comme il le devrait. Il s’agit d’un « doudou » auquel nous nous raccrochons pour ne pas trop nous livrer. Les bons orateurs politiques (et Manuel Valls en est un) savent s’affranchir de ce handicap. Ici, cela lui semble insurmontable et le pupitre, empêchant le corps de Manuel Valls de s’exprimer avec lui, est comme une barrière entre lui et nous.

La non implication vocale

La voix est plutôt douce, non combative. Il va chercher dans les graves ce qui devrait nous sembler rassurant mais qui finalement contraste avec ses « colères » moquées par Nicolas Sarkozy et d’autres. L’impression est celle de quelqu’un gagné par la lassitude et le dépit.
Le rythme est toujours le même, comme si Manuel Valls ne faisait pas attention aux mots qu’il prononce, comme s’il était extérieur à lui-même, en train de penser à autre chose. On a le sentiment qu’il livre un discours mécanique, les mots ne sont pas incarnés, le comédien est mauvais.
On le constate également à l’absence de vrais silences. Les silences, qui peuvent même durer quelques secondes, ont trois fonctions : permettre à l’auditoire de « digérer » ce qui vient d’être dit, créer un suspens en milieu de phrase avant de dire un mot ou marquer une transition dans le discours. Le premier ministre ne les utilise pas. Ses silences sont tous très courts, de la même durée et donc mécaniques.

Des messages attendus

Manuel Valls aborde assez classiquement trois points lors de cette intervention :

  • C’est la cata : la droite a gagné, la gauche a perdu, le FN monte
  • Les français ne sont pas contents, on vous comprend mais on bosse
  • On lutte contre le terrorisme et l’intolérance

Il utilise le langage du combat (pour caricaturer « de droite ») : agir, fermeté, intransigeance, compétitivité, colère, exigence, concret, battre, énergie…
Mais il utilise également celui de la solidarité (pour caricaturer « de gauche ») : encourager, protection, juste, espoir, unis, rassemblés, apaisement, tout le monde, ensemble…
On n’est à aucun moment surpris : ce discours est exactement celui auquel tout le monde s’attendait.

Le premier ministre donne donc dans cette allocution le sentiment qu’il baisse les bras par son corps et sa voix et ne nous surprend pas par ses mots. On s’ennuie parce qu’il ne crée pas de connexion avec nous.
Enfin, il termine avec la phrase : « … cet espoir pour lequel, à la tête du gouvernement, je me battrai chaque jour et chaque instant » en butant sur le mot « battrai » qu’il prononce « bêterai ». Et nous laisse bêtes.

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