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La peur de Valls : ce qui s’est passé dans sa tête au moment de prononcer le mot

Le Premier Ministre le sait bien : nous prenons nos décisions en faisant appel à notre raison mais également en faisant confiance à nos émotions.
Les femmes et hommes politiques utilisent donc régulièrement le registre émotionnel pour convaincre les électeurs du bien-fondé de leur action. Manuel Valls n’avait peut-être pas prévu d’en faire autant ce dimanche sur Europe 1…
Regardez l’extrait de son intervention.


Pendant quelques dizaines de secondes, le Premier Ministre la joue tranquille. Il a sa feuille de route qui peut se résumer en : « Les sondages mettent le Front National à 30% au premier tour des départementales : c’est grave, il faut que la France réagisse (en votant pour nous). ».

Mais soyez particulièrement attentifs à ce qui se passe à 0’55. Manuel Valls commence une phrase : « Mais si je fais campagne, si je vais au côté des candidats socialistes, radicaux de gauche, soutenus par ces deux formations politiques de la majorité gouvernementale… » et est interrompu par Jean-Pierre Elkabbach : « Si vous avez peur… ».
C’est bien le journaliste et non pas le premier ministre qui prononce le premier le mot « peur ».
La première réaction de Valls est très instinctive. Il dit « Non ! ». On entend : « Non je n’ai pas peur, parce que je suis Premier Ministre, parce que je suis un homme, parce que je suis courageux, parce que je suis fier, parce que ce n’est pas mon rôle d’avoir peur, parce que les électeurs n’aiment pas que leurs dirigeants soient faibles… parce que les Catalans n’ont jamais peur ! Et parce que les Français n’ont peur que d’une chose : que le ciel leur tombe sur la tête. ».

Et puis il y a un silence d’une seconde.

Et dans ce silence, Manuel Valls pense : « Et si en fait je disais oui ? Ce que les français aiment par dessus tout, ce sont les grands Hommes qui mettent la Nation au dessus de leur propre destin. De Gaulle a bien eu peur pour la France pendant la deuxième guerre mondiale, non ? J’ai un plan : je vais dire que je n’ai pas peur pour moi, mais pour la France. Ouais, c’est bon ça. Ça renforce mon image de présidentiable. Je vais dire ‘oui’ en le regardant bien droit dans les yeux. »
Bam, revirement !

Valls
Oui. (petit silence dramatique) J’ai pas peur pour moi. (encore petit silence dramatique) Moi je prends tous les risques (un dernier pour la route) c’est normal, c’est ma mission. Mais Jean-Pierre Elkabbach, j’ai peur pour mon pays. J’ai peur qu’il se fracasse face…

« Euh non… fracasser face ça veut pas dire grand chose. Quitte à utiliser des mots violents, guerriers, autant aller au bout de ma pensée. »

Valls
… contre le Front National.

Voilà comment Manuel Valls s’est retrouvé à utiliser un mot qu’il n’avait pas nécessairement prévu de prononcer, et comment il a essayé d’en tirer parti pour continuer à bâtir son personnage d’homme fort.
Mais ce que tout le monde a retenu c’est « Manuel Valls a peur ». Parce que c’est ainsi que les journalistes et ses opposants on cherché à le faire percevoir par le public.

Il a cherché à susciter l’admiration (« Waouh, notre Premier Ministre c’est le seul qui peut nous protéger de la menace fasciste »), il a créé de la condescendance (« Le Premier Ministre, finalement, c’est un type qui a la trouille face à Marine Le Pen »). Et comme les électeurs prennent leur décision aussi en faisant confiance à leurs émotions… certains continueront de choisir le camp de celle qui fait peur plutôt que de celui qui a peur.

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